S’il y a un métier auquel j’aurais pu consacrer ma vie entière, c’est bien celui-ci.
Mon expérience en tant que conducteur ambulancier chez Thys, à Bollezeele, reste gravée en moi. À l’époque, je n’étais qu’un jeune homme plein de rêves et d’ambition. J’avais pris la décision de quitter le monde du commerce, où l’argent était devenu le centre de toutes les relations. Ces longues journées à prospecter, analyser, répondre et convaincre avaient fini par m’épuiser.
Ce n’est pas que je n’aimais pas mon métier. Bien au contraire ! Mais côtoyer certaines personnes m’avait changé. J’étais devenu quelqu’un que je n’aimais plus.
À cette époque, ma vie personnelle semblait parfaite. Je vivais avec ma compagne dans un appartement en duplex, dans le petit village d’Arnèke, au cœur des Flandres. Nous avions une salle de billard, une Renault Mégane Coupé flambant neuve, et ma moitié, absorbée par ses études, était une source de fierté. J’avais l’impression de construire, pas à pas, une vie de couple solide, entourée d’amis comme je l’avais rêvé et pourtant…
Pourtant, quelque chose clochait. Je sentais que tout tournait autour de l’argent. Et comme il n’y a pas de limite à cette course effrénée, cela commençait par une voiture de sport, puis un appartement pour les vacances, ensuite un bateau, et pourquoi pas un hélicoptère ????
Je me suis retrouvé à tout plaquer. Je voulais me rapprocher de l’essentiel, peut-être aussi partager un bout de la passion de mon épouse et celle de nombreux membres de ma famille et nombre d’amis encore aujourd’hui.
Une nouvelle opportunité
L’occasion s’est présentée grâce à une offre d’emploi : un poste de conducteur ambulancier et de VSL, en remplacement. Une petite entreprise familiale basée à Bollezeele, spécialisée dans :
- Le transport en ambulance et en VSL.
- Le transport en autocars pour des circuits de ramassage scolaire et des séjours organisés.
Une petite équipe, composée principalement de salariés bien plus âgés que moi, et qui maîtrisaient plusieurs casquettes dans l’entreprise. Le patron, un jeune homme ayant repris l’activité de ses parents, devait notamment composer avec une maman au caractère bien trempé.
Je me souviens d’une anecdote marquante : lors de ma première prise de service, elle a refusé de me serrer la main, en me disant qu’elle n’avait pas que ça à faire et qu’elle ne pouvait pas se permettre de saluer tous les salariés. Nous étions à peine quinze ! Pour quelqu’un comme moi, issu du commerce et habitué à parler avec tout le monde, ce fut un choc.
Une véritable claque
Ce métier a été une leçon de vie. Moi, qui m’inquiétais de la couleur de ma voiture, du modèle de mon autoradio ou de ma dernière console de jeux, j’ai rencontré des personnes extraordinaires.
Je me souviens de ces dizaines de patients, transportés quotidiennement vers les hôpitaux ou les centres de soins de la région. Ils ne se plaignaient jamais. Oui, jamais.
Je pense à ces deux petits garçons que j’accompagnais chaque matin. L’un allait à l’hôpital de Zuydcoote dans son siège coquille ; l’autre, à l’association Le Petit Prince à Dunkerque. Je mettais la musique un peu fort, et ils se dandinaient ou chantaient avec joie. Ces moments de bonheur pur étaient précieux.
Je me rappelle aussi cette dame âgée, que je récupérais dans sa petite maison à Zegerscappel. Elle avait affronté trois cancers avec un courage incroyable. Nous avons commencé par l’emmener pour de simples examens de contrôle. Puis, très vite pour suivre ses séances de dialyses, qu’elle suivait trois à quatre fois par semaine.
Quand son état s’est aggravé, les transports en VSL ont été remplacés par des trajets en ambulance. Je lui tenais parfois la main, et pour que le trajet lui semble moins long nous parlions de tout et de rien, de souvenirs, de banalités.
Je n’oublierai jamais ce soir où, après une dialyse compliquée, nous avons dû la récupérer au CHD. Elle attendait, presque nue sous un drap, allongée sur un brancard dans un couloir. Jamais elle ne s’est plainte. Pas une seule fois.
Des moments bouleversants
Un matin d’hiver, alors que nous prenions la route pour assurer nos transports quotidiens, nous avons découvert une croix accrochée à la porte de sa maison. Je revois encore les yeux de mon collègue José, qui conduisait ce jour-là. Nous nous sommes effondrés, incapables de retenir nos larmes.
Ces rencontres m’ont transformé. Même si cette expérience fut courte, elle m’a donné l’occasion de réaliser que qu’importe les difficultés, dans ce métier, chaque geste, chaque mot pouvait illuminer la journée d’une autre personne et mieux encore. “effacer tes petits tracas”
Une expérience arrêté trop tôt
Mon remplacement prenait fin. Je savais que pour poursuivre cette carrière, je devais passer le concours et obtenir mon Certificat de Capacité Ambulancière. Mais la réalité m’a rattrapé : face à plus de 300 candidats pour 13 places, celles-ci étaient attribuées en priorité à ceux ayant au moins un an d’expérience dans le secteur.
À contrecœur, j’ai dû passer à autre chose. C’est alors que l’opportunité de me former au transport dans le TP s’est présentée à moi.
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