Voilà un vaste sujet alors commençons par le commencement...
Né à Roncq (59223) dans le département du Nord le 8 avril 1982, je suis le plus jeune de 9 ans et 12 ans d’une fratrie de 4 enfants.
D’un père comptable et d’une mère aide-soignante, j’ai passé un petit bout de ma vie sur la métropole lilloise (plus particulièrement sur la commune de Wervicq-Sud 59656)
C’est à l’âge de 10 ans 1/2 où les choses ont commencé à prendre une autre saveur pour moi…
Je me souviens particulièrement bien de ce jour ou devant les portes du secours populaire français de La Madeleine, je découvrais des dizaines d’enfants que je n’avais jamais vu et avec qui j’allais devoir partager 1 mois de vacances dans le sud de la France.
Nous n’avons jamais roulé sur l’or dans la famille, et il est vrai que les problèmes de santé de mon père obligeaient ma mère à monopoliser tout son temps et son attention sur moi (le petit dernier) pour les conduites à l’école et tout le reste, ce qui la progressivement fait décrocher malgré sa passion pour son métier d’aide-soignante, de la Clinique du Croisé Laroche dans laquelle elle se sentait si bien.
À mon arrivée dans cette colonie de vacances, je découvrais la magie des paysages pyrénéens, mais également celle des colonies de vacances. Moi l’enfant plutôt complexé et timide, je devais me faire de nouveaux amis et faute de consoles ou de smartphone (à l’époque) je découvrais vite que l’exercice n’était pas si compliqué en y mettant de la bonne volonté bien entendu…
Eh oui cette photo me bouleverse encore aujourd’hui, tellement j’aimerais retrouver ce petit garçon, lui taper sur l’épaule, lui demander de lever la tête et le serrer fort dans mes bras…
Je lui dirai ” Julien tu ne le sais pas encore mais la vie pour toi ces prochaines années vont être extrêmement difficiles mais quoi qu’il arrive ai confiance en toi car la suite je te le promet sera 1000 fois au-delà de tous tes rêves”
Oui tu vas plaire à des filles, bon d’accord pas tout de suite mais ça viendra et l’une d’entre elle deviendra ta meilleure amie, ta confidente, l’amour de ta vie et elle te donnera 2 magnifiques filles”, elles n’auront pas de petit frère comme tu le rêves déjà mais vous serez fou amoureux, vous allez même vous marier… Oui, Oui, quelques années après, mais vous allez ensemble vivre des trucs de dingue et accomplir ensemble tellement de choses…
Je lui dirais également (Ne soit pas trop dur avec ta maman et ton papa), tu apprendras vite que l’amour d’un couple ce n’est pas comme ça, mais tu sais, tellement d’autres enfants vivent cette vie et tellement vivent bien pires, tu n’imagines pas….
Garde confiance en toi et sois patient un jour viendra où tu comprendras pourquoi !
Cette colonie de vacances, j’en suis certain aujourd’hui, a vraiment était le tournant dans ma vie… Je m’y suis tranquillement fait quelques amis et j’y ai sûrement vécu mes premières déceptions amoureuses. J’ai découvert les jours suivants que les enfants avec qui je partageais mes journées, étaient pour la plus grande partie des enfants de parents divorcés.
Le divorce, quel drôle de concept et d’entendre toutes ces histoires de réveillon de noël, d’anniversaire X2, de droit garde et de visite… Pour moi à ce moment, précis il était impensable que mes parents puissent un jour divorcer !
Ils s’aiment tellement !!! Oui parfois ils se disputent ! oui parfois la situation dégénère ! Oui souvent maman pleure ! oui papa ne travaille plus depuis longtemps, il est constamment fatigué et couché et souvent il crie, d’entendre nos disputes de frères et sœurs mais c’est normal non ? Tout le monde vie comme ça ?
Je me rappelle mon retour de vacances, la tête encore bien pleine de tous ces moments partagés et de toutes ces belles choses, de nos moments de jeux, des copains des copines. Je me rappelle les mots de mon père qui en me tenant l’épaule m’expliquait :
Tu sais julien tu es en âge de comprendre certaines choses maintenant, tu es grand alors j’ai quelque chose à te dire : Papa et Maman ont décidé de divorcer et je vais devoir quitter la maison mais tu viendras me voir ne t’inquiète pas !
J’ai trouvé un petit studio à Halluin “une chambre de bonne au-dessus du Café le Coq Hardi, rue de Lille” Tu ne pourras pas encore rester dormir car c’est tout petit mais je ne serai pas loin…
À partir de ce moment-là, j’ai compris que le monde autour de moi était en train de s’effondrer…
Je pense avoir perdu complétement le contrôle et mettre senti trompé, trahi. J’étais déjà un enfant compliqué à canaliser à l’époque et je venais de terminer une année de CM2 à l’école Louis Pasteur de Wervicq-Sud où je passais plus de temps à faire l’andouille et à dessiner qu’à écouter.
Très vite je me suis retrouvais dans les mains des enquêteurs(trice)s sociaux (alertés à l’époque par mon frère et mes sœurs dans leur établissements) qui décideraient au vu de mon entrain pour l’école et les règles en général (ma mère qui vivait d’énormes difficultés et que j’allais bientôt comprendre) de me mettre en pensionnat pour une seconde année de CM2 à Sainte-Marie à Lille.
Rentrer le vendredi soir à la maison et repartir le dimanche ou le lundi matin pour une semaine interminable était bien trop compliqué à vivre pour moi.
Rentrer le vendredi soir, retrouver ma mère, mon chien, l’une de mes sœurs, seul à être encore à la maison et me sentir de plus en plus comme un étranger. Voir que la vie continuait sans moi, et que je ne pouvais rien y faire…. Il aura fallu à peine plus d’un mois pour que durant une récréation, je décide de passer au-dessus du portail pour fuir cette prison et rejoindre la maison familiale où je retrouverai ma mère et mes habitudes.
Un peu de marche jusqu’à la gare de Lille et le culot m’entraine vers un chauffeur de Taxi qui gentiment décide de croire en mes mensonges pour me ramener à la maison où ma mère allait gentiment régler la course une fois arrivé.
Je me souviens encore du visage de ma mère à mon arrivée…
Je venais de découvrir une sensation nouvelle lors de ce premier « périple » la sensation que procure cette poussée d’adrénaline provoquée par le franchissement de la ligne d’interdit et pour la première fois tel un prisonnier ayant trouvé le moyen de s’évader d’entre ces murs, le sens du mot liberté.
Il aura fallu le franchissement de cette ligne pour que les équipes éducatives et maintenant la juge des enfants du tribunal pour enfants de Lille décident de faire un essai en me permettant un retour à la maison.
De souvenir cela n’aura pas duré trois mois. Le temps de me faire admettre à l’école Saint Joseph de Wervicq-Sud. Je ne pouvais que constater que l’écart qui s’était creusé au fil de ces quelques mois ne cessait de s’étendre et faute de motivation, d’amis sûrement et de repères, la grille était bien moins difficile à franchir et la distance moins grande pour retourner où je me sentais à l’époque le mieux. Chez moi auprès de ma mère même si ma place à l’époque n’était certainement pas là.
Une nouvelle mesure « de protection m’amenait cette fois à découvrir une toute nouvelle ambiance (Celle du foyer du home des Flandres) Rue du Flocon à Tourcoing… Une magnifique bâtisse pleine d’enfants de tous les âges et une équipe éducative bienveillante à souhait.
Je découvrais pour la première fois que ma situation était loin d’être la pire au monde et faute d’être en mesure de comprendre le sens de tout ça, aujourd’hui je sais à quel point certaines rencontres ont forgé ma vie et mon opinion sur bien des sujets.
Je pense à cette jeune fille et son petit frère de 3 ans à peine, placés car leur maman et leur oncle étaient incarcérés à la maison d’arrêt de Loos, accusés de l’assassinat de leur père par 40 coups de hache. A cet autre garçon du même âge reproduisant des positions et des situations d’actes sexuels sur d’autres enfants car sa maman « prostituée » recevait semble-t-il des clients à la maison.
Je me souviens de cette incroyable équipe, de Bill cet éducateur hors norme qui réussissait à nous faire manger des tartines de fromage blanc et de cassonnade ainsi que du jus d’agrume fraichement pressé le matin au réveil…
Je me souviens de ces séjours de rupture où nous partions pour quelques jours dans les Ardennes Belge à profiter de sortie en forêt et de moments simples à s’émerveiller des troupeaux de Sangliers que nous pistions en suivant leurs traces dans la neige…
Certains moments comme certaines rencontres vous marquent pour la vie mais je n’étais qu’un enfant perdu et en colère qui avait goûté la saveur de cette pseudo liberté…
Moins d’un an et une dizaine de fugue plus tard pour repartir à pied ou en stop, où je pensais qu’était ma seule place je finissais par contraindre sans même m’en rendre compte a l’époque, toute ces équipes à mettre en place une mesure d’éloignement supplémentaire en m’envoyant dans une structure similaire cette fois si à Condé sur l’Escaut…